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Circulaire n°056579 du 25 février 1997, concernant la mise en oeuvre des dispositions juridiques relatives à la protection du patrimoine archéologique

A Mesdames et Messieurs les Préfets,

Mon attention est régulièrement appelée sur les problèmes de tous ordres rencontrés pour la mise en oeuvre des dispositions juridiques relatives à la protection du patrimoine archéologique. J'observe en effet que trop souvent encore, lors d'op‚rations d'urbanisme ou à l'occasion des procédures d'instruction des dossiers relatifs à la réalisation des travaux susceptibles de porter atteinte à ce patrimoine, la conservation des vestiges et surtout leur étude ne sont pas assurées en raison d'une insuffisante prise en compte de la réglementation en vigueur.

Le Premier ministre, également saisi de ces difficultés, m'a expressément demandé de vous rappeler toute l'attention que le Gouvernement porte à la protection du patrimoine arch‚élogique, élément essentiel de la mémoire collective nationale.

En raison de vos fonctions de direction et de coordination des services déconcentrés de l'Etat et notamment ceux en charge de la culture, de l'équipement, de l'industrie, de l'environnement, votre rôle est évidemment essentiel en ce domaine.

Les outils dont vous disposez pour assurer cette mission sont énumérés dans le volume V, consacré aux compétences juridiques du préfet en matière de patrimoine et d'environnement, édité par le servioe de l'information et des relations publiques du ministère de l'lntérieur, publié par le journal officiel de la République française (brochure n° 1630 - V). Je vous invite à vous y reporter.

Je rappelle à cet égard que la pratique de l'archéologie préventive s'est imposée de façon progressive, à la suite des nombreuses destructions qui ont touché le patrimoine archéologique national à la fin des années 1970. Appuyés par une forte mobilisation de l'opinion publique, refusant de voir disparaître ce patrimoine, les services de l'Etat, pour ne pas pénaliser les maîtres d'ouvrages en leur imposant l'arrêt des travaux comme la loi le leur permet, ont développé une politique contractuelle avec les aménageurs. Cette politique volontariste a permis une prise en compte du patrimoine archéologique, les aménageurs jugeant préférable de financer les fouilles préventives afin d'obtenir plus rapidement la libre disposition des terrains.

Depuis lors, le dispositif visant à la préservation du patrimoine archéologique, qui trouve son fondement dans la loi validée du 27 septembre 1941, a été progressivement renforcé par une série de dispositions législatives et réglementaires.

Ainsi, dans le domaine de l'urbanisme, l'article R 111-3-2. du code de l'urbanisme permet de refuser le permis de construire ou de ne l'accorder que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales quand le projet est de nature à compromettre la conservation du patrimoine archéologique. Le décret n° 86-192 du 5 février 1986 rend obligatoire la consultation du conservateur régional de l'archéologie dans le cadre de cette procédure étendue aux autres autorisations prévues par le code de l'urbanisme.

De même, en matière de protection de l'environnement, le décret n° 93- 245 du 25 février 1993, modifiant le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, a intégré le patrimoine archéologique dans les études d'impact. Ce texte impose notamment aux maîtres d'ouvrage une évaluation initiale et la mise en oeuvre de mesures compensatoires. Le dispositif a été étendu aux installations classées par le décret n° 94484 du 9 juin 1994.

Par ailleurs, aux termes de l'article 79 du code minier, l'archéologie figure désormais parmi les «intérêts» que doivent respecter les travaux de recherche et d'exploitation minière, sous le contrôle des services chargés de la polioe des mines. Là encore, le service instructeur, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, est tenu de consulter le conservateur régional de l'archéologie (décret n° 95696 du 9 mai 1995).

Outre ces dispositions, le code pénal ,sous les articles 322-1 et 2, prévoit des incriminations spécifiques sanctionnant les atteintes au patrimoine archéologique jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 500 000 F d'amende). La loi n° 80-532 du 15 juillet 1980 relative à la protection des collections publiques contre les actes de malveillance définit les procédures en ce domaine.

Sans qu'il y ait lieu de revenir sur l'ensemble de ces textes, j'appelle votre attention sur certains points qui me paraissent nécessiter des développements particuliers, notamment en ce qui concerne l'esprit qui doit présider à leur mise en oeuvre et le rôle de la direction régionale des affaires culturelles (service régional de l'archéologie).

S'agissant de procédures relatives au droit de l'urbanisme pour lesquelles la consultation du service régional de l'archéologie est obligatoire, j'attire votre attention sur les formes que peut prendre l'avis susceptible d'être émis. Celles-ci ont été précisément définies par la circulaire du 20 octobre 1993, du ministre de la culture et du ministre de l'équipement, qui prévoit pour les services de l'Etat la possibilité d'émettre un avis favorable, un avis défavorable, un avis favorable avec prescription spéciale ou un refus conservatoire. Cette dernière modalité permet d'informer le pétitionnaire sur le risque de découverte de vestiges archéologiques susceptible de conduire à un arrêt de chantier, voire à la mise en oeuvre des dispositions pénales.

Afin de ne pas allonger la durée des procédures d'instruction des projets d'opérations ou de travaux visés par le décret n° 86-192 du 5 février 1986, je vous recommande à nouveau (cf. ma circulaire du 12 octobre 1987) de déléguer votre signature au conservateur régional de l'archéologie pour l'émission de l'avis que vous êtes chargé de formuler.

Une vigilance particulière s'impose par ailleurs quant à la mise en oeuvre de ces dispositions dans le cas des autorisations délivrées par les autorités décentralisées. La démarche la plus efficace dans ce domaine me paraît être de sensibiliser les maires à l'intérêt du patrimoine archéologique et à l'importance qu'il peut avoir pour la commune. S'il arrive toutefois que des autorisations relevant de l'article R 111-3-2 du code de l'urbanisme soient délivrées en méconnaissance de l'avis émis par le conservateur régional de l'archéologie, il convient, dans le cadre du contrôle de légalité qui vous incombe, de les soumettre à examen et de ne pas hésiter à les déférer devant le tribunal administratif.

Quant aux études d'impact, il vous appartient de vérifier - avant prise de décision - la validité de l'évaluation des incidences et des moyens prévus pour réduire ou compenser les effets des travaux sur le patrimoine archéologique. Compte tenu de la spécificité de ce domaine, je ne saurais trop vous recommander de vous rapprocher pour cet examen du service régional de l'archéologie de la direction régionale des affaires culturelles. Je vous rappelle en outre que toute autorisation délivrée sur la base d'une étude d'impact insuffisante est irrégulière et susceptible, en cas d'annulation par la juridiction administrative, d'engager la responsabilité financière de l'Etat.

Il faut également souligner le problème particulier des carrières. Il est souhaitable que vous donniez au service instructeur les directives nécessaires pour que non seulement à l'occasion de chaque demande individuelle mais également au stade des prévisions d'ensemble (schéma départemental), le service régional de l'archéologie de la direction régionale des affaires culturelles soit associé et son avis recueilli en tant que de besoin.

Les agents du service régional de l'archéologie sont normalement commissionnés à l'effet de procéder à la constatation des infractions prévues par l'article 322-2 du code pénal. Dès réception d'une copie de ce procès-verbal, qui est adressé par ailleurs directement au procureur de la République, il vous appartient de déposer plainte en mon nom auprès du tribunal dans le ressort territorial duquel l'infraction a été commise et de me tenir informé des suites réservées à ces plaintes.

A cet égard, j'attire votre attention sur le fait que les associations ayant pour but l'étude et la protection du patrimoine archéologique répondant aux critères prévus dans le décret n° 91-787 du 19 août 1991 pris pour l'application de l'article 4 bis de la loi du 15 juillet 1980 peuvent être agréées afin d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits réprimés par les articles 322-1 et 322-2 du code pénal.

Je vous remercie de me tenir informé des difficultés rencontrées par l'application des dispositions qui viennent d'être rappelées, et au respect desquelles j'attache la plus grande importance.

Philippe DOUSTE-BLAZY


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