NOR : MCCX9900003L
L'Assemblée nationale et le Sénat ont délibéré,
L'Assemblée nationale a adopté,
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-439 DC en date du 16 janvier 2001 ;
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article 1er
L'archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de
l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique.
Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la
détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du
partimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics
ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet l'interprétation et la
diffusion des résultats obtenus.
Article 2
L'Etat veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la
conservation du patrimoine et du développement économique et social.
Il prescrit les mesures visant à la détection, à la conservation ou à la sauvegarde par
l'étude scientifique du patrimoine archéologique, désigne le responsable scientifique de
toute opération d'archéologie préventive et assure les missions de contrôle et d'évaluation
de ces opérations.
Les prescriptions de l'Etat concernant les diagnostics et les opérations de fouilles
d'archéologie préventive sont délivrées dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.
Pour l'exercice de ses missions, l'Etat peut consulter des organismes scientifiques créés
par décret en Conseil d'Etat et compétents pour examiner toute mesure relative à l'étude
scientifique du patrimoine archéologique et à son inventaire, à la publication et à la
diffusion des résultats de la recherche, ainsi qu'à la protection, à la conservation et à la
mise en valeur de ce patrimoine.
Article 3
Avec le concours des établissements publics ayant des activités de recherche
archéologique et des collectivités territoriales, l'Etat dresse et met à jour la carte
archéologique nationale. Elle rassemble et ordonne pour l'ensemble du territoire national
les données archéologiques disponibles.
Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations de travaux ont communication
d'extraits de ce document et peuvent les communiquer à toute personne qui en fait la
demande. Un décret détermine les conditions de communication de ces extraits ainsi que
les modalités de communication de la carte archéologique par l'Etat, sous réserve des
exigences liées à la préservation du patrimoine archéologique, à toute personne qui en fait
la demande.
Article 4
Les diagnostics et opérations de fouilles d'archéologie préventive sont confiés à un
établissement public national à caractère administratif.
Celui-ci les exécute conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat
et sous la surveillance de ses représentants, en application des dispositions de la loi du 27
septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, de la loi n° 89-874 du
1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et de la présente loi. Pour
l'exécution de sa mission, l'établissement public associe les services archéologiques des
collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit public ; il peut faire
appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales, françaises ou étrangères,
dotées de services de recherche archéologique.
L'établissement public assure dans les mêmes conditions l'exploitation scientifique de ses
activités et la diffusion de leurs résultats, notamment dans le cadre de conventions de
coopération conclues avec les établissements publics de recherche ou d'enseignement
supérieur. Il concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de
l'archéologie.
L'établissement public est administré par un conseil d'administration. Le président du
conseil d'administration est nommé par décret.
Le conseil d'administration comprend, outre son président, des représentants de l'Etat,
des personnalités qualifiées, des représentants des organismes et établissements publics
de recherche et d'enseignement supérieur dans le domaine de la recherche
archéologique, des représentants des collectivités territoriales et des personnes publiques
et privées concernées par l'archéologie préventive, ainsi que des représentants élus du
personnel. Les attributions et le mode de fonctionnement de l'établissement public ainsi
que la composition de son conseil d'administration sont précisés par décret.
Le conseil d'administration est assisté par un conseil scientifique.
Les emplois permanents de l'établissement public sont pourvus par des agents
contractuels. Le statut des personnels de l'établissement public est régi par le décret en
Conseil d'Etat pris en application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par un décret particulier.
Les biens, droits et obligations de l'association dénommée « Association pour les fouilles
archéologiques nationales » sont dévolus à l'établissement public dans des conditions
fixées par décret.
Article 5
Une convention conclue entre la personne projetant d'exécuter des travaux et
l'établissement public définit les délais de réalisation des diagnostics et des opérations de
fouilles, les conditions d'accès aux terrains et les conditions de fourniture de matériels,
d'équipements et des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Cette convention
détermine également les conséquences pour les parties du dépassement des délais fixés.
Les délais fixés par la convention courent à compter de la mise à disposition des terrains
dans des conditions permettant d'effectuer les opérations archéologiques.
Faute d'un accord entre les parties sur les délais de réalisation des diagnostics et des
opérations de fouilles, la durée de réalisation est fixée, à la demande de la partie la plus
diligente, par l'Etat, qui peut consulter les organismes scientifiques mentionnés à l'article 2
de la présente loi.
Article 6
La durée nécessaire à la réalisation des diagnostics et des opérations de fouilles
interrompt la durée de l'autorisation administrative d'exploitation de carrière.
Article 7
Le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est confié, sous le
contrôle des services de l'Etat, à l'établissement public le temps nécessaire à son étude
scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, la propriété de ce mobilier
est régie par les dispositions de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 précitée.
Article 8
Le financement de l'établissement public est assuré notamment :
1° Par les redevances d'archéologie préventive prévues à l'article 9 ;
2° Par les subventions de l'Etat ou de toute autre personne publique ou privée.
Article 9
I. - Les redevances d'archéologie préventive sont dues par les personnes publiques ou
privées projetant d'exécuter des travaux qui sont soumis à autorisation préalable en
application du code de l'urbanisme ou donnent lieu à étude d'impact en application du
code de l'environnement ou qui concernent une zone d'aménagement concerté non
soumise à l'étude d'impact au sens du même code ou, dans les cas des autres types
d'affouillements, qui sont soumis à déclaration administrative préalable selon les modalités
fixées par décret en Conseil d'Etat, et pour lesquels les prescriptions prévues à l'article 2
rendent nécessaire l'intervention de l'établissement public afin de détecter et sauvegarder
le patrimoine archéologique dans les conditions définies par la présente loi.
Pour un lotissement ou une zone d'aménagement concerté, la personne publique ou
privée qui réalise ou fait réaliser le projet d'aménagement est débitrice, pour l'ensemble du
projet d'aménagement, des redevances de diagnostic et de fouilles, sans préjudice des
exonérations prévues au III.
II. - Le montant de la redevance est arrêté par décision de l'établissement public sur le
fondement des prescriptions de l'Etat qui en constituent le fait générateur.
Ce montant est établi sur la base :
1° Pour les opérations de diagnostics archéologiques de la formule
2° Pour les opérations de fouilles, sur le fondement des diagnostics :
a) De la formule
pour les sites archéologiques stratifiés, H représentant la hauteur moyenne en mètres de
la couche archéologique et H' la hauteur moyenne en mètres des stériles affectées par la
réalisation de travaux publics ou privés d'aménagement ;
b) De la formule R (en francs par mètre carré) =
pour les ensembles de structures archéologiques non stratifiées. Les variables Ns et Nc
représentent le nombre à l'hectare de structures archéologiques respectivement simples
et complexes évalué par le diagnostic. Une structure archéologique est dite complexe
lorsqu'elle est composée de plusieurs éléments de nature différente et que son étude fait
appel à des méthodes et techniques diversifiées d'investigation scientifique.
Un site est dit stratifié lorsqu'il présente une accumulation sédimentaire ou une
superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments du patrimoine
archéologique.
Pour les constructions affectées de manière prépondérante à l'habitation, la valeur du 2°
est plafonnée à
S représentant la surface hors oeuvre nette totale du projet de construction. Toutefois,
dans le cas du a du 2°, la redevance est en outre due pour la hauteur et la surface qui
excèdent celles nécessaires pour satisfaire aux normes prévues par les documents d'urbanisme.
Dans le cas visé au 1°, la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise au sol des
travaux et aménagements projetés susceptibles de porter atteinte au sous-sol. Dans les
cas visés au 2°, la formule s'applique à la surface soumise à l'emprise des fouilles.
La variable T est égale à 620. Son montant est indexé sur l'indice du coût de la
construction.
III. - Sont exonérés de la redevance d'archéologie préventive les travaux relatifs aux
logements à usage locatif construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat en
application des 3° et 5° de l'article L. 351-2 et des articles L. 472-1 et L. 472-1-1 du code
de la construction et de l'habitation au prorata de la surface hors oeuvre nette
effectivement destinée à cet usage, ainsi que les constructions de logements réalisées par
une personne physique pour elle-même.
Sont exonérés du paiement de la redevance, sur décision de l'établissement public, les
travaux d'aménagement exécutés par une collectivité territoriale pour elle-même, lorsque
cette collectivité est dotée d'un service archéologique agréé par l'Etat dans des conditions
définies par décret en Conseil d'Etat et qu'elle réalise, à la demande de l'établissement
public, les opérations archéologiques prescrites. L'exonération est fixée au prorata de la
réalisation par la collectivité territoriale desdites opérations.
La fourniture par la personne redevable de matériels, d'équipements et des moyens
nécessaires à leur mise en oeuvre ouvre droit à une réduction du montant de la
redevance. La réduction est plafonnée à
dans le cas mentionné au a du 2° du II et à
dans le cas mentionné au b du 2° du II.
Lorsque les travaux définis au I ne sont pas réalisés par le redevable, les redevances de
diagnostics et de fouilles sont remboursées par l'établissement si les opérations
archéologiques afférentes à ces redevances n'ont pas été engagées, déduction faite des
frais d'établissement et de recouvrement de la redevance.
IV. - Les redevances sont recouvrées par l'agent comptable de l'établissement public selon les règles applicables au recouvrement des créances des établissements publics nationaux à caractère administratif.
V. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
Article 10
Les contestations relatives à la détermination de la redevance d'archéologie préventive
sont examinées, sur demande du redevable, par une commission administrative présidée
par un membre du Conseil d'Etat et composée, en nombre égal, de représentants de
l'Etat, des collectivités territoriales et des personnes publiques et privées concernées par
l'archéologie préventive, ainsi que de personnalités qualifiées.
L'avis de la commission est notifié aux parties.
La composition de la commission, les modalités de sa saisine et la procédure applicable
sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Article 11
I - A l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, il est rétabli un 4° ainsi rédigé :
« 4° Le versement de la redevance d'archéologie préventive prévue à l'article 9 de la loi n°
2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. »
II. - L'article L. 421-2-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque a été prescrite la réalisation de fouilles archéologiques préventives, le permis
de construire indique que les travaux de construction ne peuvent être entrepris avant
l'achèvement de ces fouilles. »
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 480-1 du même code est complété par une phrase
ainsi rédigée :
« Il en est de même des infractions aux prescriptions établies en application de l'article 2
de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. »
IV. - Le premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'environnement est complété par
les mots :
« ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».
Article 12
I. - Le début de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 précitée est ainsi rédigé :
« Le mobilier archéologique issu des fouilles est confié à l'Etat pendant le délai nécessaire
à son étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, la propriété...
(le reste sans changement). »
II. - Le début du deuxième alinéa de l'article 16 de la même loi est ainsi rédigé :
« Les découvertes de caractère mobilier faites fortuitement sont confiées à l'Etat pendant
le délai nécessaire à leur étude scientifique. Au terme de ce délai, qui ne
peut excéder cinq ans, leur propriété demeure réglée par... (le reste sans changement). »
Article 13
Il est inséré, après l'article 18 de la loi du 27 septembre 1941 précitée, un article 18-1 ainsi
rédigé :
« Art. 18-1. - S'agissant des vestiges archéologiques immobiliers, il est fait exception aux
dispositions de l'article 552 du code civil.
« L'Etat verse au propriétaire du fonds où est situé le vestige une indemnité destinée à
compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder audit vestige. A défaut
d'accord amiable, l'action en indemnité est portée devant le juge judiciaire.
« Lorsque le vestige est découvert fortuitement et qu'il donne lieu à une exploitation, la
personne qui assure cette exploitation verse à l'inventeur une indemnité forfaitaire ou, à
défaut, intéresse ce dernier au résultat de l'exploitation du vestige. L'indemnité forfaitaire
et l'intéressement sont calculés en relation avec l'intérêt archéologique de la découverte et
dans des limites et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Article 14
Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 31 décembre 2003, un rapport sur
l'exécution de la présente loi.
Ce rapport présentera notamment :
- un bilan des opérations d'archéologie préventive réalisées ;
- l'état d'avancement de la réalisation de la carte archéologique nationale ;
- la situation financière de l'établissement public prévu à l'article 4 ;
- le nombre et les motifs des contestations portées devant la commission prévue à l'article
10 ainsi que les sorts réservés aux avis de cette commission.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 17 janvier 2001.
Jacques Chirac
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Lionel Jospin
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
Laurent Fabius
La garde des sceaux, ministre de la justice,
Marylise Lebranchu
Le ministre de l'intérieur,
Daniel Vaillant
Le ministre de l'équipement, des transports et du logement,
Jean-Claude Gayssot
La ministre de la culture et de la communication,
Catherine Tasca
Le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat,
Michel Sapin
Le ministre de la recherche,
Roger-Gérard Schwartzenberg
Le secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle,
Michel Duffour